
Ghadamès – Le général Oussama al-Juwaili, commandant de la région militaire de Jabal al-Gharbi, a lancé une opération militaire d’envergure dans le sud-ouest de la Libye. Des unités ont été déployées dans la ville oasis de Ghadamès, à la frontière avec l’Algérie et la Tunisie, afin de « restaurer l’autorité de l’État sur les frontières et les ressources vitales », selon un communiqué publié le 10 juillet sur le site officiel de sa région militaire.
Cette intervention vise à répondre à une recrudescence d’activités illicites dans la zone, notamment la contrebande, la traite d’êtres humains, le sabotage et le crime organisé. « Nos unités ont été déployées avec professionnalisme et détermination, conformément au plan de renforcement de la sécurité dans la région », a précisé Juwaili.
Ghadamès, point névralgique du désert du Fezzan, situé à environ 650 km de Tripoli, est une zone hautement stratégique. Carrefour du trafic transsaharien, elle joue un rôle central dans les dynamiques migratoires et sécuritaires entre le Maghreb et le Sahel.
Un retour en force pour une figure-clé de la scène militaire libyenne
Cette opération marque également le retour opérationnel du général Juwaili, personnalité influente issue de Zintan, l’une des villes-piliers de la rébellion ayant conduit à la chute de Mouammar Kadhafi en 2011. Ancien ministre de la Défense et ex-commandant de la région occidentale, Juwaili avait été écarté du Gouvernement d’union nationale (GUN) en mai 2022, soupçonné d’avoir facilité l’entrée de forces rivales à Tripoli lors de la tentative de prise de pouvoir du Premier ministre désigné Fathi Bashagha.
Mais en juin dernier, le Conseil présidentiel libyen l’a promu au grade de lieutenant-général (fariq), l’un des plus élevés de la hiérarchie militaire, en même temps que d’autres membres de la commission militaire conjointe « 5+5 ». Une décision rétroactive à novembre 2023, qui redonne une légitimité institutionnelle à un acteur-clé du paysage sécuritaire post-2011.
Une manœuvre à portée stratégique et politique
Selon l’analyste Jalel Harchaoui, expert en géopolitique libyenne, Juwaili préparait ce déploiement « depuis plus d’un an ». L’initiative s’inscrit dans un contexte de rivalités entre institutions sécuritaires : alors que le Premier ministre Abdelhamid Dbeibah a récemment confié la protection de Tripoli au ministère de l’Intérieur, le Conseil présidentiel tente, de son côté, de rééquilibrer les pouvoirs en donnant plus de poids aux commandements militaires régionaux.
Ce mouvement militaire à Ghadamès pourrait donc avoir des implications au-delà de la simple sécurisation des frontières : il reflète les luttes d’influence internes à l’appareil sécuritaire libyen, dans un pays encore profondément divisé et sans armée unifiée.
Pierra S.