
Face à une insécurité grandissante, le Nigeria renforce ses liens stratégiques avec la Turquie dans le domaine de la défense. Sur l’autoroute Abuja-Kaduna, devenue l’un des axes les plus dangereux du pays en raison des enlèvements contre rançon, drones turcs et véhicules blindés patrouillent désormais pour sécuriser les lieux.
Ces équipements, comme les drones BAHA de fabrication turque ou les blindés YÖRÜK 4×4, sont le fruit d’un partenariat de défense en plein essor entre Ankara et Abuja. Un contrat de plusieurs millions de dollars intègre les technologies militaires turques à la stratégie de sécurisation d’infrastructures critiques au Nigeria.
Ce partenariat s’inscrit dans une dynamique régionale plus large. Selon l’agence Anadolu, les exportations turques de défense vers l’Afrique ont explosé, passant de 82,9 millions de dollars en 2020 à 400,6 millions en 2021. Un bond spectaculaire qui reflète l’intérêt croissant du continent pour du matériel militaire plus accessible et sans conditions politiques strictes.
Contrairement aux fournisseurs occidentaux qui imposent souvent des restrictions sur l’utilisation des armes, Ankara adopte une politique de vente « sans conditionnalité », préservant ainsi la souveraineté des États africains en matière de sécurité.
Le Nigeria, par exemple, a acquis six hélicoptères T-129 ATAK en 2024, produits par le constructeur turc TAI. Cette livraison s’ajoute à une coopération militaire étendue, symbolisée par la formation de cadres militaires nigérians en Turquie.
Le ministre d’État à la Défense du Nigeria, Bello Muhammed Matawalle, en visite à Istanbul lors du Salon international de l’industrie de la défense 2025, a salué ce partenariat comme un « tournant majeur » dans la lutte contre le terrorisme, le banditisme et les violences communautaires. « La Turquie nous offre un appui technique et opérationnel dans des domaines sensibles comme l’aérospatial, le renseignement ou la formation militaire », a-t-il déclaré à TRT Africa.
Au-delà du Nigeria, la Turquie renforce sa présence sécuritaire au Sahel. À Niamey, l’ambassadeur turc Mustafa Yurdakul a indiqué que son pays soutenait la Force conjointe du G5 Sahel (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger, Tchad), marquant un engagement plus large pour la stabilité régionale.
Depuis 15 ans, le Nigeria fait face à une crise sécuritaire multiforme : groupes djihadistes comme Boko Haram et l’EI, criminalité organisée, conflits communautaires exacerbés par le changement climatique, séparatisme dans le sud-est avec le mouvement IPOB… malgré des dépenses militaires en hausse, les approches classiques n’ont pas permis d’enrayer la violence.
L’option turque offre donc une « équation différente », selon les autorités nigérianes. Sur le terrain, les drones, radars et blindés turcs changent progressivement le rapport de force. Des entreprises turques comme Havelsan, STM ou Otokar fournissent une large gamme d’équipements, allant des drones aux systèmes de surveillance en passant par des composants pour armement lourd.
Mais la technologie seule ne suffit pas. « La réponse militaire doit être couplée à une coopération institutionnelle plus forte, notamment au niveau du renseignement communautaire », prévient un expert en sécurité basé à Lagos. Dans de nombreuses zones affectées, les groupes armés s’infiltrent au sein des populations, rendant leur détection difficile.
Pour Abuja, le partenariat turc représente bien plus qu’un transfert de matériel : il incarne une nouvelle manière de penser la coopération internationale, plus pragmatique, plus directe, et surtout dénuée de condescendance. Une approche que le Nigeria espère décisive dans sa quête de stabilité.
Pierra S.