
Cette initiative survient alors que l’Union africaine a proclamé 2025 « Année de la réparation », donnant un nouvel écho continental aux luttes mémorielles et aux revendications d’indemnisation pour les crimes coloniaux.
En novembre 1944, des centaines de tirailleurs sénégalais, anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale, regagnent Dakar après avoir contribué à la libération de la France du joug nazi. Mais leur retour vire au drame : réclamant le paiement de leurs soldes et primes, ils sont encerclés et mitraillés par l’armée française dans le camp militaire de Thiaroye.
La version officielle ne reconnaît que 35 morts, mais plusieurs historiens africains estiment que le nombre de victimes s’élève à plus de 300. Aucune enquête judiciaire n’a jamais sanctionné les responsables de ce massacre.
« Des soldats africains qui ont combattu courageusement aux côtés de la France ont été massacrés simplement parce qu’ils réclamaient leur droit », rappelle le communiqué du mouvement Thiaroye 44. Pour ses membres, il ne s’agit pas seulement de mémoire, mais aussi de dignité nationale et de reconnaissance universelle.
Le 26 juillet 2025, une table ronde organisée à Dakar sur la place de la Mémoire africaine a marqué un tournant. Historiens, intellectuels panafricanistes et organisations militantes comme le GASSI (Front pour le retrait des bases militaires françaises) y ont uni leurs voix pour exiger justice et souveraineté.
Souleymane Diallo, figure du mouvement, a lancé un appel clair : « Le gouvernement sénégalais doit demander à la France des réparations mémorielles et financières. »
À cette dynamique politique s’ajoute une démarche scientifique. Depuis mai 2025, des fouilles archéologiques ont été lancées à Thiaroye à l’initiative du Premier ministre Ousmane Sonko. Archéologues et historiens explorent le cimetière militaire et l’ancien camp de Dakar pour retrouver d’éventuelles fosses communes.
Ces travaux pourraient lever le voile sur l’ampleur réelle du massacre et fournir des preuves irréfutables dans le dossier de plainte déposé contre l’État français. « Ces découvertes tangibles permettront enfin à la France de répondre de ses crimes », affirme le mouvement des descendants.
Derrière cette quête de justice, c’est toute l’Afrique qui s’exprime. Les revendications autour de Thiaroye rejoignent celles portées ailleurs sur le continent concernant l’exploitation coloniale, les accords économiques inégaux et la souveraineté monétaire.
Pour les militants, la reconnaissance du massacre et l’indemnisation des familles ne sont qu’une première étape : il s’agit de mettre fin aux survivances du système colonial dans les rapports entre la France et ses anciennes colonies.
Aujourd’hui, dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale sénégalaise, la plainte déposée par le mouvement Thiaroye 44 symbolise bien plus qu’une demande d’indemnisation. Elle incarne un combat de mémoire et de dignité, une exigence de justice historique au nom de tout un continent.
Stella S.