
Beni (Nord-Kivu), 19 août 2025 – Dans les rues endeuillées de la cité d’Oïcha, au Nord-Kivu, la douleur se mêle à la colère. Depuis plusieurs jours, les attaques des rebelles des Forces démocratiques alliées (ADF) frappent de nouveau la région, laissant derrière elles des dizaines de morts et rappelant la fragilité d’un territoire meurtri par des décennies de violences.
Selon les autorités locales et militaires, une cinquantaine de civils ont été tués entre jeudi et dimanche dernier dans une série de massacres attribués aux ADF dans les territoires de Lubero et de Beni.
La tragédie la plus récente s’est produite dans la nuit de samedi à dimanche, à Oïcha. Neuf personnes y ont péri, enfermées dans une maison incendiée par les assaillants.
« Ils regardaient tranquillement un match de football lorsque les rebelles ont attaqué. Mon frère a été enfermé dans sa boutique avant d’être brûlé avec ses marchandises », témoigne, bouleversé, Jospin Kasayi, qui a perdu un proche dans l’attaque.
À Oïcha, les habitants dénoncent l’inaction des autorités. « Nous avons alerté après les massacres de Lubero, mais rien n’a été fait. Aujourd’hui le pire est arrivé », regrette Isaac Babalami, président de la société civile locale. « Les ADF opèrent jusque dans nos cités, sans inquiétude. C’est insupportable. »
Un autre habitant, Joël Kabunza Luesare, exprime son désarroi : « Depuis des décennies, ces rebelles tuent en toute impunité. Rien ne change. » Pour lui, les massacres récents rappellent ceux de Komanda, en Ituri voisine, où plus de 70 fidèles catholiques avaient été assassinés en juillet lors d’une veillée de prière.
Nées dans les années 1990 en Ouganda, les ADF opèrent depuis longtemps dans l’est de la RDC, où elles sont désormais affiliées à l’État islamique. Malgré plus de trois ans d’opérations conjointes entre les armées congolaise et ougandaise, leurs attaques continuent de cibler principalement des civils dans le Nord-Kivu et l’Ituri.
Face à l’indignation, les Forces armées de la RDC (FARDC) ont réagi dimanche soir. Leur porte-parole à Beni, le lieutenant Elougo Kyondsa, a dénoncé « une stratégie des ADF pour désorienter la manœuvre des forces loyalistes » et assuré que l’armée restait déterminée à « anéantir ces terroristes ». Il a appelé la population à soutenir l’action militaire.
Mais pour de nombreux habitants, les promesses réitérées ne suffisent plus. « Si, malgré la présence de toutes ces autorités militaires à Beni, les rebelles tuent encore chaque semaine à quelques kilomètres de la ville, alors la situation risque de devenir incontrôlable », alerte Isaac Babalami.
Depuis mai 2021, la province du Nord-Kivu vit sous état de siège, avec une administration civile remplacée par des autorités militaires et policières. Pourtant, les attaques persistent, tandis qu’une partie du territoire, y compris Goma, reste sous occupation du M23, un autre groupe rebelle.
Dans les villages frappés par les violences, les funérailles improvisées se succèdent. Les familles enterrent leurs morts dans la précipitation, sous la menace d’une nouvelle attaque. Entre les ruines des maisons calcinées, une question hante les survivants : combien de temps encore devront-ils vivre au rythme des massacres ?
Stella S.